vendredi 14 janvier 2022

Débris

Le bar secret reccomandé par Ayako n'ouvre que dans une heure, je patiente donc au Natural Lawson juste devant en mangeant quelques clémentines et une banane. A 18h00 pétante, je traverse la rue avec mon gros sac Quechua noir à l'épaule et descend les marches menant au speakeasy sous l'enseigne "粥" (kayu, bouillie de riz), puis ouvre une porte vitrée qui mène sur une rangée d'étagères remplies de livres. Je soulève le livre indiqué plus tôt par Ayako et pousse le bouton dissimulé derrière, ce qui a pour effet de faire glisser l'étagère la plus à gauche et réveler une entrée secrète. je m'introduis dans ce qui ressemble au sas d'un vaisseau spatial, aux murs couverts de boutons de formes et couleurs variées, dont la porte du fond donne sur sur le bar à DJ Débris (Sur la photo, Fuji, un des cinq Djs qui se succèderont ce soir).

Le gérant, Shoma, m'invite à poser mon sac dans le coin vestiaire sous une vingtaine de cintres prêts à recevoir les manteaux des convives. Je m'installe au comptoir et commande une bouillie de riz maison à Umi, la barmaid de Nagoya, qu'elle part me préparer en cuisine. Repas complet, vegan, aggrémenté de gingembre frais et baies de goji. Je suis comblé.

Shoma concocte de nombreuses potions au shochu (alcool de riz fermenté), qu'il sert sur glaçons ou allongés à l'envie. Je choisis d'abord le curcuma à l'eau pétillante, tonifiant, qui me prépare à goûter de nombreuses autres saveurs au cours de la nuit.


Un groupe s'installe, et je comprends à leur conversation qu'ils sont snowboarders. Ayant hâte de profiter de mes acquis de la semaine dernière, je me lie rapidement d'amitié avec le plus sympa d'entre eux, un jeune de 49 ans prénommé Shimo, avec qui je prévois une excursion prochaine en montagne.

Je reste jusqu'à la fermeture, faisant de nombreuses connaissances, dont Tomo, une artiste monochrome qui peint en direct un oeil/planête:

 

Ne trouvant toujours personne pour m'héberger, le dernier DJ, Gen, se propose de m'accompagner à pied jusqu'au club Contact à Shibuya, soirée "meth minimal".

Je me fais réveiller à cinq heure par un vigile: "Monsieur, la soirée est terminée."

J'émerge du club dans la lumière crue du jour naissant, me frayant un chemin vers le métro à travers les grappes de jeunes aux cheveux ébouriffés et décolorés qui décuvent en fumant leurs clopes assis à même le sol.

Satomi, la pote de Hiro, m'a rencardé pour déjeuner ce matin vers sa station de Ichinoe, sans préciser d'heure. J'arrive à la station sur les coups de six heures, peu frais, et me traîne jusqu'au premier endroit ouvert: le Mc Do. Je me brosse les dents aux toilettes puis me pose devant mes deux pancakes en plastique et mon verre d'eau. Je suis régulièrement interpellé par le manager de la franchise: "Veuillez ne pas dormir sur la table."

Trois heures et demi plus tard et je profite du semblant de batterie qu'il reste à mon iPhone pour envoyer un SMS à Satomi en lui indiquant ma position et qu'elle peut venir quand elle sera réveillée.

Un peu reposé, je me commande un café que je sirote à la terasse, en étendant mes jambes sur un muret, et regarde les gens passer en cherchant chez chacun le visage de Satomi.

Il est dix heures quand elle apparaît, sautillante, m'iradiant du sourire de l'amitié. Je l'embrasse et nous déambulons ensemble jusqu'à un restaurant familial.

Puis nous achetons des fruits que nous mangeons au bord de la rivière.



CBD Shop & Cafe Daikanyama

Comme aucun ami-e-s Tokyoïtes ne répond à mes messages sollicitant leur accueil, je me laisse porter par le fil des rencontres nocturnes. Je rencontre tout d'abord Ayako, une jeune femme de Saitama, au café spécialisé dans les boissons au CBD et les pâtisseries vegan où elle travaille à Daikanyama. Elle est d'abord froide lorsqu'elle prend ma commande ("Quelle est votre mode de paiement ?" "Désirez-vous un reçu ?"), je m'assieds donc pour écrire mon journal de bord silencieusement en sirotant ma camomille au CBD.

Puis un client entre. Je comprend que c'est un habitué au ton familier avec lequel il commande son café au CBD "extra shot". Il s'assied à côté de moi pour me serrer la main et faire connaissance, puis me présente à Ayako. Elle se detend immédiatement et, le client s'étant excusé pour aller travailler, elle me raconte ses longues semaines (cinq ou six journées de dix heures de travail) et ses trajets en train d'une heure pour venir de Saitama. La fréquentation moindre de ces derniers temps ajoute la solitude au stress de ce rythme effréné, stress auquel elle propose pourtant de remédier par le CBD.




mercredi 12 janvier 2022

Première étoile

Fort de notre repos bien mérité à l'onsen de Toyako hier, nous sommes en pleine forme pour apprécier notre aisance fraîchement acquise pour notre cinquième et dernier jour de glisse. Nous tentons même un petit hors piste sous les télésièges de la Familia sur la East Mountain. C'est un jour de semaine, et nous ne partageons les pistes qu'avec les écoles. Un groupe de lycéennes m'acclame en bas du hors piste d'un "sugoi!!!". Le moral au top, nous rejoignons le Mont Isola. Mais une tempête de neige se pointe, et nous n'en menons pas large pour descendre toute la montagne dans cette purée de pois.

Les éléments se sont joués de nous ce dernier après-midi, mais nous sommes comblés par notre semaine ici, et décidons déjà de revenir.

Nous rentrons préparer la dernière fête à la maison, la ultima, à laquelle nous avons convié tous les amis rencontrés depuis notre arrivée. Quatre convives nous font l'honneur de braver la tempête de neige, le couple de trekkeur Momo & Taro rencontrés à Toyako Onsen, un ancien collègue de Arnaud rencontré par hasard à la cantine du bas de la East Mountain, et Kohaku, la serveuse de ramen de West Mountain.

Le lendemain matin, Arnaud part de bonne heure rejoindre l'aéroport de Sapporo en train, et nous sommes réveillés, Julien et moi, sur les coups de 10 heures par les déblayeurs qui nettoient devant la maison.

mardi 11 janvier 2022

Onsen de Toyako

 Nous prenons la route de bon matin pour rejoindre les pistes (11h00), mais une petite tempête de neige qui se lève en cours de route nous oblige à nous réfugier au café Michi no Eki de Rusutsu. On évalue la situation en mangeant des crêpes : La plupart des remontées mécaniques fermées, faible visibilité… Après quatre jours de glisse et quatre soirées de fêtes intenses, la nature nous fait signe qu’il est temps de se reposer ! Direction le village à onsen de Toyako, une petite station balnéaire en bord de lac, pour faire trempette dans une de ces sources thermales réputés dans la région. A proximité, nous faisons la connaissance d’un couple de trekkeurs à leur magasin spécialisé dans cette activité. Taro et Momo nous montrent les superbes albums photos de leurs aventures : Arizona, Mont Fuji, Saint Jacques de Compostelle… Et nous ne manquons pas d’échanger nos Instagram et de les inviter à la maison.

Nos corps parfaitement reposés bravent le froid de la nuit à la recherche d’un restaurant ouvert. Nous atterissons chez Omoya, où le chef du même nom, un trentenaire bien portant au sourire affable, me prépare une soupe de kimchi, et un shabu shabu au porc local pour Arnaud et Julien.

Conducteur attitré du voyage, je trinque au Coca-cola. Mais l’ambiance ne tarde pas à se réchauffer, à mesure que l’on se lie d’amitié avec notre voisin de comptoir, un déblayeur de neige du nom de Kami, qui offre verre sur verre de shochu à Julien. Je m’enquiers auprès d’Omoya d’un numéro de daiko (à la différence du taxi, le daiko permet de rentrer chez soi dans son propre véhicule). Ce service n’existe tout simplement pas à Toyako, mais Omoya décidément adorable finit par appeler un cousin qui accepte de nous donner ce coup de main. Le rendez-vous est donné à 21 heures, nous laissant deux bonnes heures et demi, et le tarif à 3000 yens.

Kami nous invite alors à son bar, juste à côté, qu’il ouvre juste pour continuer la fête avec nous.


Une fois n’est pas coutume, je me retrouve derrière le bar à la demande expresse de Kami, qui me demande de lui apprendre à utiliser le shaker.


21 heures approchant, j’appelle Omoya et nous allons rejoindre notre conducteur au parking de l’hôtel-onsen où nous avons laissé notre chère Toyota Roomy.

En chemin, nous remarquons que notre chauffeur n’est pas venu accompagné d’une deuxième voiture qui le ramènera chez lui, comme le nécessite le système du daiko. Notre ange-gardien nous rassure qu’il est hébergé sur place non loin de chez nous. Les locaux sont décidément fort arrangeants. Et tous bien connectés.

Après quinze minutes de route nous arrivons à bon port, et il propose de nous présenter un nouveau bar snack, le Stardust, encore plus proche de chez nous que Miki. A un pas, donc. Nous pensions avoir donné assez d'argent à Miki (3000 yens le nomihoudai) mais l'addition du Stardust s'avère encore plus salée (5000). Le prix à payer sans doute pour des hôtesses plus jeunes et plus nombreuses. La plus âgée nous assigne chacun une fille selon nos préférences, avec qui nous discutons jusqu'à la fermeture.





lundi 10 janvier 2022

Snowboard à Rusutsu 3

De retour à notre station de Rusutsu avec Oliver et Nanako, c’est aujourd’hui à notre tour de nous faire guides. On se chauffe sur les vertes de la West Mountain, la plus petite des trois montagnes - Familia, White Lover, Rainbow.

Puis on file en œuf (gondola en japonais, et non pas tamago, la traduction littérale d’œuf) à la East Mountain avec de rejoindre le Mont Isola à l’extrémité orientale de la station. On y fera la plus belle glisse de tout le séjour, sur la rouge Heavenly View, où on ne croisera personne des deux mille mètres que font cette piste agréablement large et au vista incroyable.

Il est malheuresement temps pour nos deux invités surprises de rentrer, nous laissant rejoindre Toyako le cœur plein de souvenirs.


On se restaure d’un bon plat de spaghetti sauce champignons tomate maison, puis prenons quelques verres chez Miki avant de s’endormir du repos du juste.





dimanche 9 janvier 2022

Niseko & Toyako

Nous arrivons à l'auberge indiquée par Oliver vers dix-huit heures, enfin une heure qui permet de nous poser tranquillement - bain, étirements, bière Sapporo. Oliver et Nanako rentrent de leur session nocturne et nous comparons les cartes de nos stations respectives, Rusutsu pour nous et Niseko pour eux, dont nous ferons l'expérience demain. Pour le moment nous sortons enfiler d'énormes bols de ramen et quelques excellents cocktails au bar Toshiro's.

Le petit déjeuner très sportif de la Berg House nous prépare comme il faut - yaourt, fruits, légumes, en plus de mes granola maison dont j'ai rempli un grand tupperware avant le départ.

Oliver, qui connaît parfaitement la station, est notre guide. Notre aisance grandissante nous permet d’accéder à plusieurs pistes rouges.

Le contraste que nous ressentions hier soir avec Rusutsu, la sympathique station locale, est toujours frappant : Télésièges dernier cri six places avec sièges en faux cuir chauffants, cantine ultra-moderne, où je ne suis toutefois pas mécontent de trouver un burger vegan. Le petit café-bar tenu par un aimable Australien devant la cantine était très bien aussi. 

 

Le soir, Oliver et Nanako montent en voiture avec nous pour rejoindre Julien à Toyako, où il a pris possession de notre logement pour les quatre nuits suivantes.

 

Nous faisons la popotte avec Arnaud et Julien : Casserole de légumes du coin au lait de soja et gingembre accompagné de riz blanc. Puis nous buvons un dernier apéro à la maison avant d’aller explorer les environs.



Nous entrons dans le premier troquet à deux pas de chez nous, le snack bar Miki, et en discutant avec la patronne Miki-chan on se rend compte que notre logement Air Bnb n’est pas inconnu des indigènes. Combien d’occupants précédents ont fini ici à pousser la chansonnette et se remuer sur des vieux tubes de Queen et des Jackson Five, exactement comme nous ce soir ?

On souffle à la patronne que c’est l’anniversaire d’Oliver, et, sonné minuit, nous le lui souhaitons en chanson accompagnés de tous les clients. Miki-chan nous sert du Henessy VSOP, « offert par la maison », pour célébrer l’occasion. Peu importe que son anniversaire soit en vérité le jour suivant, le 11 janvier. Et peu importe finalement que toutes les boissons sont en fait incluses dans notre forfait boisson à volonté (nomihoudai).

Nous sommes si à l’aise que nous passons derrière le comptoir avec Arnaud pour nous servir le reste de la bouteille de Henessy et continuer de faire chauffer la machine à karaoké – « We will, we will, rock you !!! »











samedi 8 janvier 2022

Snowboard à Rusutsu 2

Le lendemain retour à notre station en prenons les jolies routes de montagne, d'où on aperçoit le lac de Toyako et sa fameuse île centrale, Nakajima, qui abrite un cratère (au centre sur la droite de la photo).


Nous nous sommes rôdés sur la plus petite montagne des trois que compte Rusutsu hier, nous grimpons aujourd'hui les deux autres monts, accompagnés cette fois des quatre jeunes casse-cous Satomi, Riyokai, Shunsuke, et Hiro en tête, qui file entre les arbres de part et d'autre des pistes.


Dans l'après-midi, je reçois un message de Oliver et Nanako, qui nous font une visite surprise et nous donnent rendez-vous à Niseko le soir-même. Direction Niseko, donc, pour cette troisième soirée d'un périple déjà riche en émotions.

vendredi 7 janvier 2022

Snowboard à Rusutsu

Rusutsu est une petite station de ski locale à une heure de route environ de Niseko, station beaucoup plus huppée envahie d'Australiens. Nous louons des planches et l'équipement intégral pour six jours, décidés à se donner à fond pour monter de niveau.



Les pistes quasiment désertes et le temps magnifique se prêtent parfaitement à nos premières glissades.
Après une coupure déjeuner au pied des pistes (bol de nouilles udon), où nous faisons la connaissance de Kohaku, une jeune saisonnière prof de danse hip-hop, nous continuons de glisser jusqu'au soir, les pistes étant éclairées en nocturne.

Puis nous prenons la route pour rejoindre l'ami Hiro et ses trois potes d'enfance qui nous ont prit une chambre à leur hôtel-onsen de Noboribetsu, Dai-Ichi Takimotokan, à trois heures de Rusutsu en longeant la côte. Nous pouvons alors détendre nos muscles dûrement éprouvés dans les dizaines de bains réparties sur deux étages entiers de l'hôtel. Etant encore arrivé tard (après vingt-deux heures), le restaurant de l'hôtel est fermé, mais nous trouvons de quoi nous restaurer à proximité, un bon bol de ramen et quelques poissons grillés. Puis nous traînons Hiro jusqu'à un bar à cocktail.










jeudi 6 janvier 2022

Vacances à Hokkaido

J'enfile mon bol de nouilles aux algues rituel à Shima no eki avant de tracer en scooter rejoindre Arnaud à l'aéroport. Je le retouve dans un même degré d'excitation que moi et escorté par Yagi-chan. Direction: Hokkaido, le grand Nord japonais, pour mon deuxième séjour depuis Sapporo il y a sept ans.


Après une escale crème glaçé à Naha, nous embarquons un vol low cost direct pour l'aéroport Shin Chitose de Sapporo, arrivée prévue à 19h30.


Les températures négatives n'auront finalement rien de redoutable, préparés que nous sommes avec nos bonnets acquis, pour ma part gratuitement au centre de recyclage de Miyako, spécialement pour l'occasion:


Deux bonnes heures de trajet en voiture de location plus tard (l'infaillible Toyota Roomy), sans glissade graçe au freinage moteur et aux pneux neige dernier cri, nous arrivons enfin à notre auberge louée pour trois nuits.


Notre excitation en franchissant la porte devait être trop sonore, car le seul autre occupant nous accueille à travers la porte de sa chambre d'un "Be quiet, please!" Nous comptions de toute façon explorer les rues alentours à la recherche d'un troquet où nous réchauffer et rencontrer des locaux.

Après quelques centaines de mètres de devantures fermées et pas âme qui vive, nous rebroussons chemin, quelque peu démotivés par les bourrasques de vent glacial et le froid qui gagne nos orteils à travers la toile de nos tennis. Mais l'enseigne du conbini Lawson dans l'autre direction nous fait reprendre espoir, et en s'y dirigeant mon oeil croise de l'autre côté de la rue cet immanquable signe du destin: l'affichage en néon "King of Night".

En passant la porte nous découvrons le gérant, Goji, un grand type costaud aux longs cheveux noirs, s'égosillant au micro sur du hard métal japonais. Après avoir vécu plusieurs années à Sapporo il est rentré ici pour fonder son bar et tenir companie à son père. Il aime la conduite, la pêche, et le karaoké. Il nous expliquera qu'à cause de la pandémie la plupart des auberges et bistrots du coin ont mit la clef sous la porte, et que nous aurions plus de chances de socialiser à Niseko ou Kuchan, plus à l'Ouest. Nous nous réchauffons au saké chaud, par verres petits mais nombreux, pendant que Goji et deux autres clients assis au comptoir, un homme et une femme locals, se passent le micro pour pousser la chansonette.

De retour à l'auberge, la décision est prise de faire nos sacs le lendemain pour passer la nuit dans un endroit plus animé.