mercredi 14 décembre 2016

Okamoto

Un très curieux personnage a fait son apparition au milieu de la semaine dernière. Un garçon d'une vingtaine d'années, de la taille d'un aspirant sumo, portant une chemise dépareillée des nôtres. Il semblait s'être tout juste extrait de sa chambre d'hikikomori, traînant les pieds et laissant sa lourde tête retomber avant de la redresser une fois une position stationnaire recouvrée. "Voilà un homme qui se laisse mourir en s'engraissant immodérément", ai-je pensé sans doute injustement en le regardant, fasciné, taper à l'ordinateur avec une vélocité en fort contraste avec son poids. Puis j'ai été subjugué quand, au bout d'une heure, une fois la plupart des clients enregistrés, il s'est présenté à moi en m'offrant un sourire si chaleureux qu'il m'a d'un coup semblé éminemment sympathique.

Puis il est venu plusieurs jours après "voir comment c'est chez [m]oi". Après avoir fait quelques provisions au konbini, sa première question en entrant dans ma chambre fût de me demander, avec un tremblement dans la voix, si je n'avais pas de TV. Eh bien, si, mais je ne la regarde pas donc elle est rangée dans le placard. Il l'a sorti, l'a branché dans le coin de la pièce et s'est allongé devant, à même le sol, en décapsulant sa canette de soda et en ouvrant un paquet de cacahuètes, dont il dévora le contenu par petites poignées. Lorsqu'il je lui demande, plaisantant à moitié, s'il s'est vraiment sain de scotcher la TV de s'y près, il me confie très sérieusement qu'il est sujet à la dépression.

Après une vingtaine de minutes, deux paquets de cacahuètes et un de chips, il se lève enfin pour nous préparer deux bols de ramen, que nous dégustons avec gourmandise avant que je le raccompagne chez lui en scooter. J'ai alors l'occasion de jeter un bref coup œil à "comment c'est chez lui", et je constate qu'il n'est pas enclin au ménage.

Cette situation n'est pas rare chez les employés d'hôtel que j'ai côtoyé, et souvent c'est le sentiment d'être délaissé qui conduit à négliger sa propre hygiène de vie.

A la lisière du monde, on n'a plus le courage d'entretenir son monde propre.