jeudi 19 mai 2016

Exploitation à la japonaise

Pendant ma troisième nuit j'ai comptabilisé approximativement ma charge de travail. A moi tout seul (lorsque quelqu'un m'aidait à une tâche, j'ai divisé le nombre par deux), j'ai donc cuit et fais frire en cinq heures de travail:

2kg de pates
130kg de riz
50 morceaux de potiron
70 morceaux d'aubergine
25 mini steaks hâchés
30 steaks hâchés
220 tranches semi-circulaires de SPAM
30 croquettes
32 filets de porc panés
40 morceaux de poulets
25 filets de poulet panés
150 batonnets de poisson frit
35 petits poissons pânés
30 cordons bleus
45 mini saucisses
50 saucisses
1 grande marmite de radis blancs et carottes cuits à la sauce soja et mirin
32 omelettes carrées
14 omelettes roulées (5 natures, 4 aux algues séchées et 4 aux brocolis)

Et quand quelqu'un est en congé, il faut bien sûr assumer sa charge de travail à lui ou elle, en plus de ses tâches habituelles. Une belle idée pour faire culpabiliser les travailleurs et rejeter implicitement sur eux le problème de la surcharge de travail, plutôt que sur l'organisation. Il n'est ainsi pas surprenant d'entendre un travailleur s'excuser d'avoir causé plus de travail à cette occasion. Cette méthode procède d'un système plus général d'exploitation capitaliste à la japonaise qui a recours à des processus d'ethnicisation du labeur. Il me faudra y revenir.

Quoi qu'il en soit, on mesure bien l'importance du profit généré par cette importante charge de travail, dont les employés ne percoivent qu'une infime partie. A fortiori étant donné que nous n'utilisons pas de produits nobles (sinon on n'aurait pas besoin de tout faire passer à la friteuse, même ce qui sera bouilli par la suite).

L'interdiction de goûter aux plats cuisinés symbolise bien cette exploitation, en parachevant de nous distancer des fruits de notre labeur. Ce faisant, ne devenons-nous pas de simple machines de travail, et non plus des êtres pensant, souffrant et gourmands?